3 mots. 3 raisons d'écrire. 3 mots qui peuvent vivre seuls ou reliés. 3 mots séparés, parce que je ne peux choisir une formulation. Et parce que de cette façon, pas de restrictions, les fenêtres sont grandes ouvertes!

vendredi 10 décembre 2010

Moi.

Moi. Je peux defiler dans les rues comme une Lao, conduire mon vélo aux heures de pointe et m'arrêter sur le côté de la rue pour répondre à un texto, comme les Laos. Je peux manger du riz ou des nouilles de riz à chaque repas, je peux apprendre à parler lao, et même à l'écrire et le lire. Je peux supporter la chaleur du soleil ici, je peux voyager avec les bus locaux, je peux manger des grenouilles, je peux boire du lao-lao, je peux prendre des douches froides, je peux porter un sin, je peux addhérer au bouddhisme, et je peux faire bien plus encore, mais, je ne peux pas supporter de «ne rien faire » pendant plus de deux jours, sport auquel les Laos excellent sans aucun doute! et avec lenteur en plus...








La lenteur de chaque action, amusante au début, est devenu mon calvaire le temps de quelques jours. D'une certaine façon, j'aime bien être entourée par cette lenteur. C'est paisible. Mais de là à y prendre part, ça c'est une autre histoire! Va pour quelques heures... mais voilà, après ça, on reprend vie s'il-vous-plait! On s'active, on dépense! Mon corps me crie de bouger! Après quelques heures, je me sens ankylosée, après quelques jours, j'ai des douleurs aux hanches, au bas du dos... Je ne me sens pas bien du tout!









Mais comment ai-je bien pu me retrouver à être forcée de ne rien faire? Et bien, c'est simple; j'ai accompagné un ami Lao dans son village natal. Au bout de quelques jours, j'ai eu envie de crier mon manque de liberté au monde entier. Peut-être suis-je un peu sensible sur le sujet, tout juste sortie d'une relation où l'indépendence n'avait plus sa place, mais de tout de même. Au retour, à bord du bateau qui nous ramenait vers Nong Kiaw, j'avais en tête le titre d'un livre que j'ai lu étant adolescente « Un vent de liberté » (1). J'avais peine à me rappeler l'histoire du livre; un vague souvenir d'une jeune héroïne qui fait de la voile... ou peut-être pas. Néanmoins, en cette fin de journée, ce titre hantais mon esprit. Peut-être était-ce le vent qui faisait virevolter mes cheveux à bord de ce petit bateau bruyant, au milieu de cette nature grandiose: une rivière au creux d'une vallée bordée de montagnes rivalisant de beauté. Ou peut-être était-ce simplement d'être sur le chemin de retour vers la vie normale, ma vie normale. Celle dans laquelle j'ai le contrôle des mes activités, de mon temps et toute mon indépendance.




Et c'est précisément ce qui me manquait durant ce séjour à Meung Ngoi. C'est un petit village du Nord du Laos, en bordure de la Nam Ou, une rivière. À partir de Luang Prabang, on rejoint ce village, en prenant un bus pour trois ou quatre heures jusqu'à Nong Kiaw, où on prend alors un bateau pour 45 minutes. Meung Ngoi consiste en une seule rue qui fait moins d'un kilomètre, et de quelques ruelles perpendiculaires. La plupart des gens travaillent dans les rizières, mais certains restent au village pour s'occuper des quelques restaurants, guesthouses et bungalows. Malgré leur présence, le jour, le village est pratiquement vide, à l'exception de quelques personnes âgés et quelques enfants pas encore en âge de fréquenter l'école. J'ai visité cet endroit pour la première fois il y a deux ans. J'avais trouvé ce village très paisible et ressourçant. À partir de là, j'étais partie faire un trek dans les villages en montagnes pendant 4 jours. Cette fois-ci par contre, cette paix apparente est devenue mon calvaire.












Mon ami qui m'a invité dans son village m'avait fait miroiter quelques belles activités à y faire: aller pêcher sur la rivière, marcher dans les rizières, visiter au moins un village de montagne. Prête à foncer dans l'aventure, je prévois alors mes souliers de marche, des vêtements de sports et même un maillot de bain! Rien, absolument rien, ne m'a servit durant ces cinqs jours. À notre arrivée, nous nous faisons inviter chez des amis/voisins/membres de la famille (toutes ces réponses sont bonnes), pour manger et, évidemment, boire. Je comprends vite qu'il est insultant pour mes hôtes que je refuse un verre de bière ou de lao-lao (whiski maison à base de riz). Je me plie donc à cet aspect de leur culture, appréciant le fait de vivre une vraie soirée à la lao, au coeur de leur culture. Rapidement toutefois je me rends compte que la seule autre femme présente est celle qui sert et que mon lao n'est pas suffisamment bon pour que je prenne part à ces conversations sur le développement du pays, l'augmentation du tourisme et le peu de soutien gouvernemental. Je réalise aussi rapidement que mon ami prend rarement la peine de me traduire ce qui se passe. Bon, pour un soir, ça va!



Au lendemain de notre arrivée, on se prépare pour aller marcher dans les rizières et peut-être se rendre dans le premier village. Mon ami amène sa caméra - il en possède une bonne - et souhaite que nous prenions de bonnes photos des alentours de son village. À la vitesse lao, on part tranquillement pour cette randonnée qui s'annonce intéressante, dans ce paysage digne d'une carte postale. Après un peu moins d'une demi heure, on s'arrête à l'entrée des grottes, à deux pas des rizières où travaille toute sa famille. Le couple qui fait payer les touristes pour visiter les grottes sont des amis de sa famille, évidemment! Mon ami propose que nous nous arrêtions pour discuter un peu avec eux. On fait un petit feu, on fait cuire de petits poissons fraîchement pêchés, des légumes que je n'avais jamais goûtés auparavant, et on m'offre de la bière, encore. On me l'offre à la façon lao: une personne sert, il n'y a qu'un verre pour tout le monde (dans ce cas-ci, le verre est une bouteille d'eau en plastique qu'on a découpée), et on doit boire la totalité de ce qu'on nous offre dans le verre, assez rapidement, et repasser le verre qui sera rempli à nouveau pour notre voisin. Et on tourne ainsi, non pas jusqu'à la fin de la bouteille, mais jusqu'à la fin de la caisse (caisse de 12 grosses bières). Le temps passe, les minutes, les heures et les bières. C'est environ à chaque demi-heure que je demande à mon ami si on va poursuivre notre route dans les rizières. La réponse est toujours oui, alors j'attends. Et le temps passe encore. On fait cuire un poulet. On installe un table avec une nappe de feuilles de bananier. On sort d'autre bière. On prépare une soupe. On mange, on boit. Les villageois rentrent tranquillement des champs, passent devant. Certains se joignent à nous, d'autres boivent un coup et repartent, et d'autres passent leur chemin en saluant. Et nous sommes encore au même endroit. Le soleil se couche et on rentre au village, laissant derrière nous les rizières.






Et la soirée poursuit son cours dans la même ambiance, presque exactement identique à la veille et à la journée. Et le lendemain, est encore moins actif. Nous ne faisons que visiter le minuscule temple du village, situé à un des deux bouts de l'unique rue. Et on relaxe. Normalement, j'aime bien me prendre une journée tranquille, mais généralement, c'est suite à une activité plus intense qu'une autre journée à ne rien faire. Bon j'en profite pour lire. J'arrive presque à terminer le livre que j'ai commencé la même journée. Et je sens que la soirée sera pareille, encore. Si je décide d'aller marcher seule un peu, je sens le regard des villageois - qui connaissent tous mon ami - qui me suit. On me demande où il est. C'est comme si de me promener seule voulait dire que soit lui ou moi avait fait quelque chose de mal, ou qu'on avait du se chicaner. J'ai vraiment l'impression que «c'est mal» que je sois seule, même pour quelques minutes. Ça me pèse sur les épaules. À leurs yeux, je devrais être complètement dépendante de sa présence à mes côtés. Et leurs yeux sont presque suffisants pour me ramener à ses côtés. Mais bon, demain matin, nous prenons le bateau à 9h30. Nous passerons la journée à Nong Kiaw et le lendemain, nous reviendrons à Luang Prabang. C'est la dernière soirée. Profitons-en! J'ai quand même rencontré quelques amis à lui qui parlent anglais et que j'aime bien. Mais je ne veille pas tard... je suis fatiguée, tellement fatiguée de ne rien faire!


Et je me lève en ce dernier matin à Meung Ngoi. Je prépare mon sac et sort. Mon ami n'est pas là. Je pense commander à déjeuner... mais on m'aperçoit. On se fait donc un devoir de trouver mon ami pour qu'il vienne me rejoindre - évidemment, puisque je suis incapable de rester seule quelques temps. Et mon ami me rejoint, encore pompette de la veille? Non, déjà saoul, du matin même! Quelques copains à lui, dont son ancien professeur, l'ont invité à fêter avec eux, de bon matin, puisqu'il n'avait pas trouvé le temps de le faire avec eux dans les jours précédents. Et c'est reparti! Un bateau à 9h30? qui a dit que c'est le seul? On en trouvera un plus tard. Contre toute attente, je refuse un verre de bière, un «shooter» de lao-lao et je quitte la petite fête. C'est bien beau la culture lao, mais il est 8h30 du matin! Je dois quand même faire passer le respect de moi-même avant le respect de leur culture, je crois. Je m'esquive. Je m'installe dans un restaurant qui offre des déjeuners occidentaux à mon grand bonheur. Je me plonge dans mon livre en attendant, encore en attendant. Mon ami me rejoint une heure plus tard, avec quelques amis. On nous invite à visiter l'école, car le professeur doit aller enseigner! Je demande si je peu prendre le temps de terminer mon déjeuner (car oui c'est seulement une heure plus tard que je reçois mon assiette). Alors on s'assoit un peu, on relaxe pour faire changement. On se bouge enfin, on part vers cette école... Mais oh! Malheur!! Il y a un bar en chemin! Et - qui s'en serait douté?- il appartient à un ami. Et c'est repartie pour quelques heures d'inaction, ou les seules mouvements acceptés sont le levé du bras et l'élévation du «gorgoton». J'endure... les minutes deviennent des heures, les heures se prolongent interminablement. Et l'idée que je puisse m'emmerder royalement ne semble même pas effleurer la moindre cellule cérébrale de mon ami, même s'il est clair que je ne trouve pas mon compte au milieu de ces rencontres typiquement masculines, où l'alcool coule à flot, où la nourriture est au moins cent fois trop épicée pour moi et où les conversations se passent dans une langue dont je ne connais que les rudiments. J'oscille entre rester et endurer ou quitter et insulter à nouveau mon ami. Et je ne prends pas la peine de demander si nous quitterons bientôt, je sais pertinement que la réponse sera «oui», même si dans les fait ce n'est pas le cas. C'est culturel... Je décide donc de partir. Mon ami tente de me retenir, mais je tiens bon et je pars attendre ailleurs!



Et c'est effectivement tout ce que je fais; attendre ailleurs. Car là, je suis vraiment devenue dépendante de lui. Les autres bateaux qui quittent le village ne sont pas dédiés aux touristes. Seul un local peut se trouver une place à bord. Et donc j'attends, et l'attente est particulièrement longue quand on ne sait pas on attend pour combien de temps. Mon ami arrive enfin, bien éméché et soudainement pressé de partir. Il semble même surpris que je ne sois pas debout avec mon sac à dos sur le dos et prête à partir. On se déplace donc, pressés, vers le quai, où on prendra un bateau qui ne sait pas qu'il nous attend - et nous ne savons pas non plus s'il y en a un. Et mon ami évite de son mieux de parler de la grande insulte que j'ai porté à son attention en quittant sa petite fête. Comprendre et reconnaître les sentiments et les réactions de l'autre, les nommer et les expliquer, deviennent des tâches insurmontables devant la montagne d'obstacles: la langue commune étant une seconde langue pour nous deux et nos cultures à des kilomètres l'une de l'autre ne font que s'ajouter à la sempiternelle différence entre les hommes et les femmes. Et, étant bien loin du stéréotype laosien de la femme idéale - soumise, suiveuse, compréhensive, même pour les pires incartades, et dévouée - il y a un fossé énorme à traverser pour se rejoindre. Mais nous trouvons un bateau prêt à nous prendre à bord! Joie! Nous quittons cette prison temporaire à mon plus grand plaisir. En fait, je quitte avec bonheur cette situation gênante, mais avec un petit pincement au coeur ce petit village magnifique, qu'au fond, j'adore.




Au retour de cette expérience, je suis rentrée à Luang Prabang, avec la réelle impression de rentrer chez moi. C'est mon nouveau chez-moi... signe que j'y suis bien!




(1) Un vent de liberté, Marie-Danielle Croteau, Éditions de La Courte Échelle, Collection Roman +, 1993.

mercredi 1 décembre 2010

Sourires en rafale

Sourires. Pour me faire pardonner mon silence des derniers temps, et parce que tous les jours, je croise, je vois, je sens, je touche, j'entends des choses, des gens, des paysages qui me font sourire, voici quelques uns de ces sourires qui font partie de mon quotidien!



Parce que Luang Prabang n'est pas nommé Héritage Mondial par l'UNESCO pour rien, je me dois de vous mettre en images et en mots quelques uns des éléments qui en font un endroit si merveilleux. C'est l'amalgame de l'architecture traditionnelle Lao, avec ses temples et ses stupas, et de l'architecture française, datant de la colonisation française, bien situé au creux des montagnes et à la jonction de deux rivières qui fait de Luang Prabang une ville exceptionnelle. En plein centre de la péninsule - qu'une fille originaire d'un petit village comme moi appelle le «centre ville de Luang Prabang», mais que n'importe qui provenant d'une «vraie» ville digne de ce nom appelerait plutôt «le petit quartier animé de Luang Prabang» - se dresse un temple au sommet d'une petite montagne, ou d'une colline - encore là, tout est relatif selon la taille des montagnes que nous connaissons. Quoi qu'il en soit, ce temple, qui n'a en tant que tel rien d'exceptionnel, offre une vue incroyable sur tout Luang Prabang et même bien au-delà. De ce sommet, on peut apercevoir un magnifique temple au sommet d'une autre colline le long de la Nam Khan, mais aussi ce tout petit temple, de l'autre côté du Mékong. On aperçoit les montagnes (qui elles portent leur nom sans ambiguité) qui se profilent à l'infini - l'infini étant ici la limite de ce que nos yeux humains perçoivent... Peu importe le moment de la journée durant lequel je me rends sur ce sommet, l'effet apaisant est instantané. Cet effet arrive même à dépasser celui plus agaçant des touristes pressés (et entassés!) qui n'ont pas appris à profiter des moments... croyant toujours qu'ils en profiteront plus tard, en montrant leurs photos à des gens qui se montreront vaguement intéressés. Bref, ils n'ont rien compris. Et la vue me permet d'éviter d'être atteinte par les vagues de stress et d'empressement qu'ils dégagent à la tonne. Je dois tout de même avouer que j'évite l'endroit à l'heure du coucher de soleil.


















Un autre point de vue, dans une ambiance souvent plus calme aussi, provient du petit temple de l'autre côté du Mékong. Celui là, a encore moins d'intérêt comme bâtiment, mais le calme de l'endroit exerce sur moi une attraction délicieuse. J'y mets les pieds, et j'ai envie d'y revenir, d'apporter un lunch, un livre, un carnet et un crayon, et de laisser aller mes idées pendant des heures. Voilà, c'est noté, j'y retourne bientôt! De ce côté du Mékong, on est envahi par le silence - si l'on fait fi des bruits provenant des insectes multiples, des oiseaux et des coqs omniprésents- alors qu'on voit Luang Prabang s'activer de l'autre côté de la rivière.









Et ce temple aussi, celui qu'on voit le long de la rivière Nam Khan. Ce temple doré et pointu. Celui-là, il est beau pour vrai! De près comme de loin, et comme il est lui aussi en hauteur, il nous offre aussi une vue saisissante! C'est aussi dans ce temple que j'ai pu voir mes premières religieuses bouddhistes à Luang Prabang. Elles sont rares. Assez rares pour que je pense d'abord que la vie de moine soit réservée aux hommes. Ce n'est pas la cas. Toutefois, une femme qui devient moine, c'est mal vu par l'entourage. Souvent c'est signe qu'elle n'est pas «mariable», qu'elle a commis un quelconque acte la faisant bannir de son village ou qu'elle représente une honte pour quelque raison que ce soit pour sa famille. Bref, elles sont rares, mais j'ose croire que certaines d'entre elles le font par choix... Généralement, les religieuses portent une robe blanche, ce qui contraste avec la robe orange des hommes.


























Ce qui me fait sourire... c'est d'aller prendre une marche, ou de faire un tour de vélo près de chez moi et de croiser, en chemin, d'adorables jeunes filles qui font la pose pour moi. De découvrir un très joli temple doré au retour, tout petit et pas tellement visité par les touristes. De rouler, rouler et de cesser de pédaler pour laisser passer une famille de canards qui veut traverser la route boueuse et très fréquentée. De m'arrêter pour rire de bon coeur avec toute une famille puisqu'une des adolescentes vient de tomber de façon très peu élégante et comme au ralentit dans le fossé, amenant avec elle deux bicyclettes et une trâlée de terre. Les laos rient toujours des gaffes des autres!
























Je souris aussi de voir partout des fleurs exotiques qui sont en train de devenir tellement communes pour moi. Je souris de traverser la rivière du restaurant vers la péninsule en blaguant avec les garçons du bateau, qui ont pour la plupart un anglais assez boiteux... et certains mêmes une habileté tout aussi limitée à ramer et diriger le bateau. Mais je souris car on s'amuse, on se redemande milles fois nos noms qui sont si bizarres pour eux comme pour moi qu'on arrive difficilement à se les rappeler. On se donne des surnoms pour se donner une chance. Je souris parce que la vue est magnifique. Je souris aussi de prendre le nouveau pont de bambous, un peu plus rassurant que le bateau. Je souris aussi lorsque je prends le vieux pont de métal à bicyclette, essayant toujours de pédaler le plus vite possible, aux limites des capacités assez minimales de mon vélo chinois, pour ne pas ralentir les motos et mobylettes. Je souris car la vue est, là encore, magnifique! Je souris d'utiliser enfin le banc pour passager de ma bicyclette avec Dao - le petit garçon avec qui je travaille-, qui commente tout en chemin et qui discute avec les gens à moto qui roulent à notre hauteur.

























Et je continue de sourire quand je me promène en ville et croise les moines et les novices. Quand j'aperçois une dizaine de novices jouer à des jeux vidéos dans des cafés internet ou envoyer des messages textes à partir de leurs cellulaires high tech! Je souris de rouler plus vite à vélo que certaines mobylettes. Je souris lorsque je découvre un nouveau café, un nouveau restaurant qui offre gratuitement des couchers de soleil colorés. Je souris de sortir dans un bar «falang» avec des amis Laos, de prendre un «drink» bleu et de leur montrer à danser «La Macarena». Je trouve amusant d'assister à une parade de mode de vêtement ethniques laosiens. Je souris de passer une journée aux chutes Kuang Si avec des amis et de nager dans une eau bleue turquoise. Je souris d'aller aux petites chutes, Tat Sae, à vélo avec une amie Lao à bicyclette. Je ris de bon coeur de faire la course avec elle en chemin et d'apprendre à dire «mouay lay» (je suis fatiguée) sur le chemin du retour.



















































Je souris aussi pour toutes les rencontres que je fais. Je souris en souvenir de Maxibel qui est partie et pour qui on a fait un beau party de départ. Je trouve absolument cocasse de faire un «party fluo» chez des amies françaises et de les entendre appeler ça une «soirée flashie». J'apprécie passer quelques jours avec des québécoises et manger des rouleaux de printemps frais au coin de la rue et leur faire découvrir les minis omelettes sucrées au coconut. Je souris de voir arriver presque tous les jours les enfants voisins de la Pistoche pour jouer avec nous.
















Bref, j'ai milles raisons de sourire tous les jours! Je trouverais certainement des tonnes de raisons de sourire peu importe où je serais dans le monde... mais je suis très heureuse de profiter de ces raisons là.

mercredi 17 novembre 2010

Destination

Destination. Apprentissage du Lao. Deux mois déjà que je suis ici et que j'apprends le Lao. Et non, je ne suis pas encore capable de parler politique, éducation et sociologie... mais tout de même, je peux me présenter, parler de ma famille, commander au restaurant, demander une direction, et quelques autres courtes conversations pratiques. Mais surtout, je peux dire où je vais et d'où j'arrive, en réponse aux questions les plus communes au Laos. «Djao pay say?» (Où vas-tu?) est une question aussi normale et banale que «Ça va?». On peut répondre où l'on va réellement tout comme on peut tout simplement répondre qu'on marche, ou qu'on va quelque part, au même titre qu'on répond machinalement «Oui, ça va», même si ce n'est pas nécessairement le cas.

La grammaire et la syntaxe sont assez simples en Lao. Rapidement, moyennant un peu de vocabulaire, on peut construire des phrases affirmatives, négatives et interrogatives. Il n'y a pas de flexion des verbes. Selon de temps de verbe qu'on veut utiliser, on ne fait qu'ajouter une syllabe entre le pronom et le verbe (le verbe est à l'infinitif et invariable) qui réfère au futur ou au passé. Un autre mot permet de dire «en train de». Sachant cela, déjà, on peut facilement construire quelques phrases. L'interrogation se fait en ajoutant «bo» (avec un «o» ouvert pour ceux qui connaissent la phonétique) à la fin d'une phrase et la négation en mettant la même syllabe avant le verbe ou l'adjectif. La grammaire et la syntaxe semblent faites pour économiser au maximum la salive. Pour dire qu'une personne est belle, on n'a qu'à dire, «elle belle», sans verbe. Mais attention! Ne vous méprenez pas, malgré l'apparence simple de la structure des phrases, le Lao est difficile à apprendre pour nous, francophones! La difficulté réside principalement dans l'acquisition du vocabulaire et ce, pour plusieurs raisons.

D'abord, certains phonèmes (sons de la langue) utilisés en Lao n'existent pas en français. Par exemple, le «h» aspiré que plusieurs francophones ont de la difficulté à utiliser lorsqu'ils parlent anglais, est bien présent en Lao. Utilisé seul, c'est pas si mal après avoir appris l'anglais. Toutefois, il est un peu plus difficile à détecter ou prononcer lorsqu'il est précédé par le «p». Donc «pak» et «phak» sont deux mots totalement différents ici. D'autres sons sont un peu plus difficiles à différencier et à prononcer pour nous comme le «nga», «gna» ou «nia» qui pour eux représentent des différences énormes... ou comme le «dja» à mi-chemin entre un «ch», un «j» et une plosive comme un «d». Mais les difficultés ne s'arrêtent pas là, car ils ont aussi des sons qui pour nous sont bien différents, mais pour eux ne font pas de différence. Par exemple, le trait de voisement pour les consonnes en finale de mot importe peu, donc «tad» ou «tat» est pratiquement la même chose ici. En fait, c'est comme si on devait atteindre la position articulatoire du son, mais sans vraiment le prononcer. Ils nous trouvent bien drôle de terminer tous nos mots comme s'il y avait un «e» après la consonne «tade». Notre «r» n'existe pas pour eux et ils le remplacent généralement par un «l». Lorsqu'ils tentent d'imiter notre «r», il en ressort un son guttural très peu élégant!

Outre cela, ce qu'il faut savoir, c'est que le Lao est une langue à ton. C'est donc une autre difficulté, très grande celle-là! Il y a 6 tons: bas, moyen et haut, puis, montant, descendant-haut, descendant-bas. Certains sons sont courts, d'autres sont longs. Comme la majorité des mots laosiens sont monosyllabiques, c'est vraiment le ton qui marque le sens du mot, ce qui représente une difficulté énorme pour nous. Certains francophones arrivent à entendre d'emblée une différence entre les tons s'ils sont dits simultanément, mais en spontané, en conversation, c'est généralement les autres mots ou le contexte qui permettent de comprendre le sens. D'autres n'arrivent pas du tout à entendre de différence. Pour s'exprimer, encore, c'est une autre histoire! Personnellement, j'ai du mal à exprimer la différence avec les mots en isolé. Mais de façon général, nous avons tous de la difficulté en conversation car nous devons restreindre nos habitudes de tonalité de notre propre langue. Cela veut dire d'éviter de marquer l'interrogation, l'émotion ou l'emphase par la tonalité, ce qui est franchement bien ancré dans nos habitudes et favorisé... Qui n'a jamais eu un enseignant avec une voix monotone? Et qui a apprécié?

Alors voilà! J'en suis à tenter d'augmenter mon vocabulaire. De plus en plus, je peux comprendre des bribes de conversation en Lao. Je suis capable de demander comment telle ou telle chose se nomme et je peux donc cibler les mots dont j'ai besoin. J'essaie de mettre un effort particulier pour apprendre des verbes. La difficulté à laquelle je me bute régulièrement est d'expliquer ma profession, l'orthophonie. Comme elle n'existe pas au Laos, il n'y a pas un mot pour la nommer, je dois donc l'expliquer. Déjà, en français, ce n'est pas toujours évident...! Par ailleurs, comme je ne peux qu'avoir de courtes conversations assez simples et superficielles, je suis souvent frustrée des bris de communication avec les Laos qui ne parlent que le Lao... ça motive à apprendre plus!!

mardi 2 novembre 2010

Moi.

Moi. Bilan. Parfois vient le temps de prendre une pause. C'est maintenant! Après avoir franchi avec succès la période d'adaptation, j'ai eu droit à un certain moment de bien-être facile. Un doux bien-être je dirais... qui fait que les choses vont d'elles-mêmes, facilement. Et voilà, quand on est bien, ça attire les gens; mon réseau social s'est donc développé considérablement... et ma vie sociale a pris une ampleur exponentielle! Les sorties et les bonnes bouffes s'accumulent, les heures de sommeil diminuent... Repos! Voilà, il est grand temps que je fasse une pause. Où en suis-je maintenant? Je suis à l'aise dans Luang Prabang (peut-être un peu trop je commence à ne plus vouloir sortir d'ici!), on me salue un peu partout, je ne sors plus sans croiser un ami ou une connaissance... Suis-je en train de m'oublier dans ce tourbillon? Non, pas tout à fait, car je ne fais que ce qui me tente (il y a juste trop de choses tentantes!). Mais, je sens que je dois me ramener à mes petits objectifs personnels, mes défis... et pour ça, je dois conserver des moments juste pour moi!
Je ne travaille que les après-midi, durant environ 2h. Et trois fois par semaines, j'ai un cours de Lao de 13h à 14h. Si on fait le compte, il me reste énormément de temps libre. Ce que j'adore, évidement! J'apprécie beaucoup n'avoir pas de contrainte de temps, surtout le matin! Mais ne vous méprenez pas, je ne passe pas la moitié de la journée à lézarder dans mon lit (de toute façon, mes colocs le font suffisamment... c'est un couple de gecko, je leur laisse donc la palme du lézardage professionnel!). Sauf que, tout de même la tentation est là, surtout avec le «beat» social que j'ai pris récemment... Je me vois donc faire, aujourd'hui, un horaire pour organiser mes temps libres! Et bien que ça parraissent facile... ce n'est l'est pas du tout! Doser la flexibilité, tant appréciée, de gérer mon horaire très aéré, tout en me donnant un minimum de discipline pour avec une rythme de vie sain et productif. Productif? Oui oui... car avec autant de temps libre, on peut facilement passer des heures à ne presque rien faire et arriver au bout de la journée et se demander «à quel activité pertinente ai-je occupé mon temps aujourd'hui?» avec pour toute réponse... Rien! Ne vous en faites-en pas, ce n'est pas mon cas! J'ai une tendance à éviter l'inactivité. J'occupe donc très bien mes temps libres avec des activités que je considère pertinente et productive pour moi (elle ne le serait peut-être pas pour d'autres). Néanmoins, je réalise que l'écriture, qui pourtant reste toujours présente dans ma tête, est l'activité qui se fait déplacer le plus facilement. C'est donc une des principales raisons de mon entêtement à me créer un horaire de temps libres... Je souhaite donc organiser de façon agréable des périodes de méditation, d'exercices physiques, d'étirement, de lecture, d'écriture, d'apprentissage du Laos et de visites quelconques, tout en poursuivant mon travail l'après-midi et en n'évitant pas complètement les activités sociales! Parmi mes activités libres préférées, il y a mes périodes régulières à discuter dans un mélange de Lao et d'anglais avec Sone et Phou, les deux staffs du restau que j'aime particulièrement. C'est vers la fin de l'avant-midi, lorsqu'elles sont de retour du marché et que la «boss» n'est pas dans les parages qu'elles se confient le plus à moi et laissent libre court à leur propre curiosité! Des petits moments mémorables, qui trouvent leur place dans mon horaire!

Donc voilà! J'en suis à trouver l'équilibre entre ma vie sociale active et la poursuite de mes buts et activités personnels! Trouver l'équilibre... si un jour je parviens à trouver l'équilibre dans tous les aspects de ma vie, je pourrai certainement m'assurer d'avoir réussi cette dernière.

mardi 26 octobre 2010

Destination


Fin de semaine Lao. Que d'activités cette fin de semaine, et à saveur Lao! D'abord vendredi soir. Comme à tous les vendredis depuis 1 mois, Nathalie ouvre la piscine le soir pour BBQ et after-party (au-delà du couvre-feu). Contrairement à l'habitude, où le bar se rempli d'expats principalement français, le bar de la piscine était rempli de Laos, comme en introduction au reste de la fin de semaine.

Samedi, je me lève tard et je passe du temps à discuter avec Sone, la manager du restaurant Dyen Sabai. J'apprécie beaucoup cette fille. Ce qui est merveilleux c'est qu'elle parle un excellent anglais, ça facilite énormement notre relation d'amitié! En début d'après-midi, je rejoins Maxibel, une Panaméenne qui est à Luang Prabang depuis environ 6 mois. Nous partons avec sa moto vers Xieng Ngeu, un village qui se trouve beaucoup plus loin que nous le pensions! Nous allons assister à une course de bateau! Voici la mise en scène...

Stationnement improvisé et petit sentier presque dangereux pour descendre vers la rivière. Les gens sont tous installés le long de la rivière, sur en terrain très en pente. La musique est très forte (comme d'habitude), les gens boivent de la bière (comme d'habitude), les enfants courent partout, des gens dansent des danses laos qui ressemble curieusement à nos danses en ligne, certains sont debouts, d'autres ont amené leurs chaises ou petits bancs. La plupart des gens sont là pour socialiser et quelques uns suivent la course de bateau avec ferveur. Personnellement, je me sens sur le bord de la piste du Rally Baie-des-Chaleurs!

Sur le retour, nous croisons des collègues de Maxi qui nous invitent à aller manger un morceau avec eux, dans un bar Lao. On fait grimper la moto à l'arrière de la camionnette et, évidement, tout le monde insiste pour que Maxi et moi nous installions confortablement à l'intérieur du véhicule. Alors qu'ils sont cinq autour de la moto à l'arrière, nous ne sommes que deux sur la banquette...! Au bar Lao, nous buvons de la Lao Beer, comme de raison. Je dirais que c'est en moyenne aux 5 minutes que quelqu'un lève son verre pour un «chin» ou un «nuk nuk». Je commence à prendre l'habitude d'attendre qu'on lève nos verres pour boire, sinon ça me fait boire beaucoup trop vite! Les laos commandent la bouffe... tout est trop épicé pour moi. Ils ont prévu le coup: ils ont commandé des frites, seule nourriture «falang» du resto! Ils nous font essayer de manger des grenouilles... En fait, c'est délicieux si je réussis à ne pas penser à ce que je mange! Le goût est un mélange de poisson et de poulet.

Retour au Dyen Sabai pour un party Salsa! Je montre la salsa à Phou, la cuisinière principale du resto. On a beaucoup de plaisir ensemble, mais son anglais est aussi bon que mon lao, on est donc limitées! Pour la danse, par contre, ça va! Elle s'en sort vraiment bien! Plus tard, mes amis Laos arrivent: Tadam (qui tient la boutique de soie) et Kay (le vrai guide!) et son frère Say. Finalement, je passe la soirée à discuter (en anglais) avec des amis Laos, demandant régulièrement comment telle ou telle chose se dit en lao!

Dimanche, Sone me sort! Sortie maganisage entre filles! Magasinage est un grand mot. Si vous souhaitez magasiner autre choses que des souvenirs, ne venez pas à Luang Prabang! Mais, je souhaitais m'acheter une jupe «sin» typiquement Lao. Je suis donc allée dans un marché avec Sone qui m'a aidé à choisir une jupe. Elle m'a ensuite amenée chez une gentille couturière, car il faut la faire tailler sur mesure. Ce vêtement est une jupe droite, qu'on porte plutôt longue. On achète en fait un grand tissus en soie ou en coton, avec de la broderie au bas. Le tissus doit faire environ 2m de long, mais les bouts sont cousus pour refermer en rond. On enfile par le bas et on replit deux fois pour le mettre à sa taille. La couturière ajoute des petits crochets ou boutons pour que la jupe tienne, et lorsqu'on a une bonne couturière, elle fait les coutures pour les plis à la taille afin que la jupe tombe bien. Il y a de cela seulement quelques années, toutes les femmes portaient la jupe jusqu'aux chevilles. Maintenant elles sont un peu plus courtes, généralement aux molets, mais aussi parfois juste sous les genous, surtout pour les plus jeunes. C'était vraiment bien de pouvoir faire ce magasinage avec Sone étant donné qu'elle a pu me guider sur les types de couleurs qui sont pour les jeunes et les types de broderies généralement portées par les 40 ou 50 ans et plus. Elle m'a aussi guidée vers les modèles de cette année, car même si on parle ici d'une jupe traditionnelle, il y a quand même des modes!





Après notre virée «shopping», nous nous rendons ensemble chez Phet, une amie qui vit tout près du resto. Elles me montrent à faire de petits bateaux en feuilles de bananiers, car le soir, il y a un festival. Nous préparons donc ces fameux bateaux, que nous décorons de feuilles et de fleurs, et nous mettons des chandelles et des tiges d'encens dessus...

Le soir! Festival! Wow! Il y a foule! Une parade est organisée sur la rue principale pour montrer les bateaux (beaucoup plus gros que les petits en feuilles de bananes!) faits par les villageois. Il semble y avoir un concours entre les différents villages pour faire le plus beau bateau. Après la parade, tout le monde se rend sur le bord du Mékong, pour mettre à l'eau un petit bateau en feuille de bananier. Juste avant de le mettre sur l'eau, on allume l'encens et les chandelles. Il faut mettre le bateau sur l'eau à deux, alors Phou et moi, étant toutes deux célibataires, nous poussons nos bateaux ensemble, en faisant chacune un voeux. Les bateaux emportent avec eux la malchance et les maladies. Plus haut sur la rivière, les gros bateaux de la parades sont aussi mis à l'eau. C'est magnifique de voir les centaines de bougies flotter. Une chose toutefois vient briser la magie de cette soirée... Les Laos adorent les pétards et les feux d'artifices de toutes sortes! On passe donc la soirée dans un nuage de fumée, dans l'odeur des pétards brûlés, dans les explosions sonores parfois très fortes et dans la crainte d'en recevoir un sur nous par erreur... C'est assez impressionnant de voir à partir de quel âge on laisse les enfants jouer avec ça....!

Une fois le gros de la fête passé, je me retrouve seule avec Phou. Nous éprouvons une certaine frustration de ne pas pouvoir communiquer ensemble, mais cela nous amène plusieurs fous rire. J'apprends à dire «I don't understand» en Lao: «Baw hou». Gestes et expressions faciales sont au rendez-vous! Nous attendons Sone, qui n'arrive pas! Finalement, d'un commun accord, presque sans mot, nous marchons pour rentrer chacune chez nous... et croisons la Sone en question avec ses amies. Nous partons donc tous ensemble vers un temple où il y a une fête. C'est d'abord une surprise pour moi de voir qu'on fait ce genre de fête dans les temples, une vraie kermesse! Sone me fait tout essayer! Lancer des fléchettes pour «péter» les ballounes et gagner un pepsi. Arracher des petits bouts de papier dans un arbre pour gagner des bonbons et des biscuits, faire un don au temple et piger une tige avec un numéro correspondant à un message du genre horoscope. Goûter les saucisses hot dog version lao. Assister à un match de sport. Je ne connais pas le nom de ce sport qui se joue avec une balle légère fait en bambou je crois. Les règles , si j'ai bien compris, ressemblent beaucoup au volleyball, mais à la façon Aki (tête, pieds, jambes, torse permis, mais pas les mains). Les estrades me semblaient assez inhabituelles aussi: autant de moines en robes oranges que de Lao ordinaires rassemblés. Bref beaucoup de plaisir toute la soirée!!!




Sourire

Le monde est petit, le Laos aussi! Le monde est petit, ce n'est pas peu dire! Ceux qui ont suivi mon premier périple au Laos, il y a de cela deux ans, se rappelleront peut-être de certaines choses. Alors, il y a deux, j'ai fait un trek de 4 jours dans le villages de montagnes près de Muang Ngoi. Muang Ngoi est un tout petit village atteignable seulement par bateau (environ 45 minutes) à partir de Nong Kiaw, autre petit village à environ 3 ou 4h de route le Luang Prabang (il faut bien se garder une marge de manoeuvre d'au moins un heure, selon l'état des chemins). Avant de me rendre à Muang Ngoi, j'avais fait la connaissance de deux belges à Luang Prabang qui se dirigeait vers le même endroit, dans l'idée eux aussi de faire un trek. Un expat français de Luang Prabang leur avait fortement conseiller de trouver Kay, qui selon lui, est un excellent guide, malgré son anglais un peu déficient. Muang Ngoi étant un très très petit village, il ne nous fallu que très peu de temps avant d'apprendre que Kay est à l'extérieur du village et de rencontrer son frère Say qui se propose donc comme guide. Say s'improvise donc comme guide et s'avère peu compétent, ayant pour principal intérêt de boire du Lao Lao (whisky Lao fait maison) tous les soirs et de rencontrer ses amis. Il est par ailleurs plutôt paresseux, s'assurant de se trouver un ami dans un village, partant pour marcher jusqu'aux autres villages, en transportant bien sûr le sac de Say. Il nous assure qu'il lui donnera une partie de son propre salaire (j'apprendrai deux ans plus tard, qu'effectivement Say a une tendance pour la sous-traitance). Nous devions revenir en kayak du dernier village jusqu'à Muang Ngoi, mais n'avons jamais vu ces kayaks et sommes donc revenu en «long tail boat» (longue pirogue avec un moteur très bruyant au bout d'une longue tige métallique). Je reste toujours convaincue que Say n'a jamais essayé de nous procurer des kayaks. Le périple s'est terminé autour d'une discussion interminable sur le fait que Say devrait considérer que le prix donné au départ n'est plus adéquat puisque nous n'avons pas eu ce que nous voulions (les kayaks) et avions payé pour. Say est un grand parleur et use par tous les moyens de faire «pitié» et nous faire sentir coupable. Ça ne marche pas, d'autant plus que nous voyions sa mère qui n'avait pas du tout l'air de son avis!

Bref, Say avait été une rencontre marquante et peu fiable. Et bien deux ans plus tard, je vois le même jeune homme arriver au party de la Pistoche (la piscine de Nathalie). Sur le coup, son visage m'est familié, mais je ne peux le replacer. C'est alors que j'entends Nathalie lui demander des nouvelles de son frère Kay! Et voilà, les liens se font dans ma tête! Évidemment, Say ne me reconnait pas, ou ne veut pas me reconnaitre. Je lui apporte donc certains éléments du trek qui lui rafraichissent la mémoire. Il se sent (avec raison) un peu mal, se rappelant bien d'avoir tenté de nous soutirer plus d'argent que de raison! Et, comme cerise sur le sundae, lorsqu'il me reconnait vraiment, il me dit avec un large sourire «Je ne t'avais pas reconnu, tu as changé! Tu es plus grosse!» Merci Say, trop gentil!!


Nous avons tout de même continué à discuter de choses et d'autres (du passé à son plus grand damne « oublie le passé, on recommence à zéro» me dit-il!). J'apprends en autre qu'il est toujours aussi paresseux: un expat l'avait engagé pour qu'il tonde son gazon, et Say a trouvé quelqu'un pour le faire à sa place, moins cher. Sous-traitance, encore. Say dit lui-même qu'il n'est pas paresseux, mais bien qu'il utilise les muscles de cerveau plutôt. Pas fou quand même! Malgré que ce soit bien sympathique de discuter avec lui, je ne digère toujours pas son commentaires sur mon poids... et le lui fait remarquer. Il termine donc la soirée en me disant: « tu m'as mal compris, je voulais dire que tu avais changé, tu dégages quelque chose de plus grand...» Oui, oui Say, je te crois...!!


Malgré tout, Say devient un ami ici! On est même allé s'entraîner en vélo ensemble (il a un «vrai» vélo à me prêter» c'est génial! ).


Une semaine plus tard (ou devrais-je dire deux ans et quelques semaines plus tard), j'ai finalement fait la rencontre de Kay, le grand frère. Très différent du premier, de toute évidence plus mature et plus fiable, il ne ressemble pas du tout à son jeune frère!

mercredi 20 octobre 2010

Sourire

La beauté d'une image, en mots. Aujourd'hui, j'ai eu la chance d'apercevoir, durant quelques secondes, un tableau infiniment beau. Alors que je roulais avec ma bicyclette, j'ai croisé deux jeunes moines bouddhistes en devenir, comme j'en croise des dizaines tous les jours. Ils étaient vêtus de toges oranges, couleur qu'on associe facilement aux moines bouddhistes. Ce qui, à cet instant précis, a rendu cette vision exceptionnelle, est le passage d'un papillon, de taille moyenne, presque entièrement noir, mais arborant sur chaque ailes une fine ligne du même orange que les habits des moines novices. Le mariage de couleurs, la grâce du vol du papillon et le soleil éclatant a fait de cet instant un souvenir exquis. Et ce souvenir restera dans ma tête, puisque évidemment, lorsqu'un événement de cette envergure se produit, on en profite et ne le manque pas à chercher un appareil photo dans un sac bordelique!

mardi 19 octobre 2010

Destination


Destination, weaving village! Avant de partir du Québec, j'ai dit que je voulais apprendre au moins trois choses au Laos. Les apprentissages sont commencés! Je prends des cours de Lao, j'apprends à cuisiner des mets Lao et Thai, et j'ai pris un cours de tissage! Je compte bien dépasser le nombre de trois différentes choses à apprendre. Je dois dire que l'apprentissage du Lao est clairement le plus ardu des trois. Mais revenons au tissage. Le «weaving village» comme on l'appelle ici est le village voisin du restaurant Dyen Sabai, où je vis. Il est tout petit et de style assez campagnard, mais plusieurs boutiques se succèdent sur la route de terre. Dans la plupart, on vend des foulards, napperons et «sin» ou «sarang» (jupes typiquement laosiennes). Dans d'autres on vend aussi le papier de «mulberry» fait à la main, sous forme de lampe, de carnets, d'albums photos... On peut s'arrêter dans ces boutiques et voir les villageoises à l'oeuvre sur les métiers à tisser ou en train de faire le papier. Il est particulièrement intéressant de voir chacune des étapes menant aux produits finis et de réaliser aussi que tout ce qui est utilisé provient de ce qui pousse autour d'eux. Par exemple, pour la soie, les habitants ont leur propre «élevage» de vers à soie et utilisent différentes plantes, fleurs et graines pour donner de la couleur à la soie. Le papier, lui, est fait à partir des fibres d'un arbre appelé «mulberry»... on appelle aussi le papier «saa paper». Je ne sais pas si «mulberry» fait vraiment référence à un mûrier. C'est le genre de détails qu'il est difficile de vérifier, même avec un Lao qui parle bien anglais. En tout cas, ces arbres qu'on utilise pour fabriquer le papier poussent un peu partout. On en défait les fibres blanches du troncs et on les laisse tremper dans l'eau. Ensuite, on fait bouillir pour en faire une sorte de pâte blanche (en y laissant des fibres pour une belle texture). Dans un grand bac rempli d'eau, les femmes étendent la pâte sur des grandes plaques quadrillées, y ajoutent des fleurs ou des feuilles de bambous et font sécher au soleil. Avec des fleurs et des graines, elles peuvent donner de belles couleurs vives au papier. Mais revenons-en au tissage.

Évidemment, la soie est la matière la plus utilisée, mais on retrouve aussi du coton. Dans ce village, il est clair que la soie et le coton proviennent bien du Laos, contrairement à ce qu'on retrouve dans le marché de nuit, où la provenance des objets de soie est variable. Dans la boutique de Boualay, j'ai pu voir chaque étape de production des fils de soie, ainsi que la réalisation des foulards. Wow! Quel travail! Je réalise en les regardant et en essayant moi-même de faire un foulard de soie que le temps et la patience que cela prend sont clairement supérieurs à la valeur de vente de ces petits bijoux. Et, j'ai essayé l'un des modèles les plus simples... J'ai fait la partie tissage uniquement. Le montage du métier à tisser avait déjà été fait. Faire le foulard a dû me prendre au total 9h, ce qui est quand même acceptable pour une débutante. Néanmoins, le montage des fils pour ce foulard a pris, à ce qu'on m'a dit, une journée entière. On comprend donc qu'elles font plus d'un foulard du même type à la fois. Celui que j'ai fait comporte seulement deux couleurs et ne nécessite aucune broderie. Ça m'aurait pris des semaines pour en faire un comme celui de ma voisine. La broderie se fait au fur et à mesure qu'on avance avec le métier à tisser, en faisant passer de tout petits fils sous quelques cordes seulement. Le montage qui donne le «design» à ce type de foulard prend trois jours... et je n'arrive toujours pas à imaginer comment on peut arriver à reconnaitre quel type de design on obtiendra avec la façon dont on fait le montage. Quelques tiges de bois, des tonnes de petites cordes de soie qui passent de part et d'autres de chacunes des tiges de bois selon un modèle précis et très ordonné, voilà qui peut donner un modèle avec des personnages ou des formes géométriques toutes égales. Ouf!

J'ai vraiment pris plaisir à faire le tissage. C'est très routinier et ça demande beaucoup de concentration. Dès que je tombe dans la lune, j'oublie une étape, ou encore, je n'appuie pas sur la bonne pédale... ou bien je laisse un bout de fil sur la bordure... ou je fais le coin trop serré et c'est inégal... Bref, il faut y mettre toute sa concentration. Ça fait du bien pour faire le vide et décrocher. Évidemment, c'est amusant pour quelques avant-midi, mais à longueur de journées, de semaines, de mois, et même, d'années, je trouverais certainement le temps long! Et sans doute que je développerais soit une tendinite à l'épaule, des douleurs chroniques au dos ou au cou, ou alors, je conserverais une posture voûtée, comme la plupart des femmes âgées ici. Chapeau à ces femmes patientes et endurantes!

L'apprentissage comme tel a aussi été une expérience en elle-même. Mon «entraîneure» de tissage était une femme plutôt âgée, laosienne, ne parlant que le lao (ou peut-être aussi un autre dialect du laos). Et toute nos compatriotes ne parlaient aussi que le lao. Je dois avouer que la dame n'était pas très pédagogue s'entêtant à me répéter incessament les mêmes choses en lao, plus lentement ou plus fort, mais sans support gestuel... Au bout d'un certain temps, j'ai l'impression qu'on me prenait pour une personne stupide qui ne comprend jamais rien... Mais c'est que disons que peu importe ce qu'elle aurait dit, je n'aurais rien compris! Elle en venait parfois à me tapper les doigts ou me donner une tappe sur l'épaule lorsque je faisais des erreurs, me rappelant ma première professeur de piano, vieille religieuse n'ayant jamais accepté le monde contemporain! Toutefois, ma professeur de tissage avait un merveilleux sourire lorsque je faisais un bon coup! En tout cas, l'orthophoniste en moi a encore une fois expérimenté ce que peuvent ressentir des personnes aphasiques de type Wernicke. Tout ce que j'entendais ne faisait aucun sens pour moi et bien que je sois capable de parler, tout ce qui sortait était incompréhensible pour les autres. Génial comme expérience, mais combien difficile. Et le regard exaspéré des autres lorsque je ne les comprends pas, malgré leurs efforts... comme si j'étais une imbécile! Ça renforce bien l'importance de former les partenaires de communication afin de les outiller pour mieux se faire comprendre par la personne ayant des difficultés de communication.

Tout près de la boutique de Boualay, il y a la boutique de Tadam, dont j'ai oublié le nom. Tadam est une jeune entrepreneure laosienne! Début trentaine, célibataire, parlant un très bon anglais et ayant un esprit artistique développé, elle a ouvert sa propre boutique de soie et de coton. Elle fait ses propres modèles et ses propres couleurs, qui sont différents de ce qu'on trouve dans toutes les autres boutiques et au marché de nuit. À date, c'est la seule que j'ai vu qui offre des modèles différents. Sa boutique est belle, bien installée et très conviviale. Tadam offre un café, un thé, un verre d'eau à quiconque vient visiter sa boutique. Elle se fait un plaisir d'expliquer les étapes menant à ces beaux résultats et même de faire essayer quelques lignes sur un foulard ou un napperon. Chaque fois que je la visite, elle me montre ses nouvelles créations. Dès ma deuxième visite chez elle, elle m'a invitée à manger avec elle et nous avons donc passé des heures à discuter ensemble. C'est vraiment intéressant d'entendre son point de vue sur sa propre culture, surtout qu'elle sort un peu du cadre. Le début d'une amitié?