3 mots. 3 raisons d'écrire. 3 mots qui peuvent vivre seuls ou reliés. 3 mots séparés, parce que je ne peux choisir une formulation. Et parce que de cette façon, pas de restrictions, les fenêtres sont grandes ouvertes!

mercredi 10 avril 2024

Retour





Durant ce voyage, je me suis laissée porter et je réalise que c’est exactement ce que je fuis normalement, quand je pars seule. Je cherche à voir ce que je fais, qui je suis, quand je ne suis influencée par personne. Tout le contraire de cette expérience-ci. Mais ce n’est pas négatif. Simplement différent. Le momentum était en fait, parfait. C’était parfait qu’on me porte. Qu’on me guide. Qu’on me fasse découvrir … des lieux, des gens, moi. Tout cela dans la facilité. N’ai-je d’ailleurs pas cela à apprendre aussi, que ça peut être facile, la vie ? Que je n’ai pas toujours besoin de défis, de chemins tortueux, de dépassement. Aujourd’hui, me laisser porter, ça sonne doux. Peut-être suis-je maintenant assez solide pour ne plus trouver cela menaçant ? Je laisse ça en suspend ! 






Je n’ai pas eu très envie d’écrire durant ce voyage. C’est très clair pour moi que ça nécessite de l’espace. Du  “me time”. Ce que j’ai peu eu. Écrire pour moi, c’est un élan. Ça vient par vague. Il semble que mon temps libre est souvent tombé dans un creux de vague. Je me suis parfois forcée. Ça donne des résultats moins profonds. Mais pas moins vrais. Pourtant, ça n’est pas un voyage qui a manqué de profondeur. J’ai eu moins envie de m’exposer. Question de timing, peut-être. Encore. Je ne saurais expliquer clairement cette pudeur qui m’habite. Possiblement un besoin de décanter doucement. 






Une journée de repos à Delhi avant de partir et le long de trajet en avion semble s’imposer comme des hauts de vague pour laisser sortir ce qui commence tranquillement à se déposer en moi. Déjà, même pas encore revenue au Québec, j’ai l’impression que ce sont des souvenirs lointains, qui vont vite m’échapper. Qu’est-ce que je vais garder de tout ça? En réalité, les voyages, c’est découvrir l’ailleurs pour mieux se découvrir soi. Et c’est ça qui reste longtemps. Et c’est ce vieil ami qu’est le temps qui me dira ce qui en est de cette expérience-ci. En attendant, j’ai quand même la tête et le coeur pleins. Pleins de drapeaux tibétains, de montagnes attirantes, de temples Hindous, Sikh, Moghols, Bön, Tibétains, Bouddhiques. Pleins de cérémonies, de chants, de Satsang, de mantras, de bateaux de fleurs chargés d’histoires et d’espoir. Pleins de fous rire en famille, de rencontres - québécoises et indiennes-, de sourires sincères et d’un peu d’exaspération. Pleins de souvenirs tangibles, de foulards colorés, de boucles d’oreilles choisies avec soin, de bols tibétains aux sons divins. Pleins de folies dans le Taj Mahal, de danses, de connexions. De ruelles encombrées, de marchés colorés, de routes épouvantables. De balades en rickshaw avec Josée qui crie de plaisir. De marches durant lesquels maman s’extasie de tout. De bougainvilliers aux milles et une teintes de rose. D’enfants et de vieillards aux regards inoubliables. J’ai le coeur plein de gratitude. De tout ça et de plus encore. Pour longtemps! 









Varanasi



La dernière étape de ce voyage, c’est Varanasi. Varanasi c’est… Comment dire ? C’est à vivre, à expérimenter.  

Une part de ma réaction face à cette ville cinq fois millénaire vient peut-être de la déstabilisation que j’ai sentie chez ma mère. Maman, solide comme du roc, qui réagit… à la chambre miteuse. À la foule. Aux odeurs. Aux standards qui ne tiennent plus. Oh je n’y suis pas insensible non plus. Mais je me mets dans la posture que c’est moi, qui n’est pas à sa place. Et non pas ce qui m’entoure. Je me place en observatrice, je vois, je constate, j’intègre (ou pas). Je suis l’intruse et tout est comme il se doit dans ce chaos. L’intensité m’affecte. Je me couche épuisée. Épuisée d’avoir tous mes sens sollicités, constamment. Fatiguée de l’odeur de marde (qui s’ajoute à celle de la sacrée bouse de vache). De celle des bûchers. Fatiguée des 40 degrés, sous les vêtements qui me couvrent les épaules et les genoux. Des gens qui me touchent pour passer, pour une photo, pour un rien. Fatiguée de la foule envahissante. De la proximité. Fatiguée des chiens qui jappent, des klaxons à l’infini, des motos qui me frôlent. Fatiguées d’en avoir plein la vue, des couleurs, du lever et du coucher de soleil, des étals sans fin, des mendiants, des enfants sales. Fatiguée des épices goûteuses, de ma langue qui pique, de mon ventre qui gronde. Fatiguée, mais comblée. Fascinée. Éblouie. Je dors comme une bûche dans cette chambre qui, malgré son piteux état devient vite un refuge réconfortant. Pour Maman aussi. 




Varanasi, c’est le summum de la ferveur religieuse. C’est le point de convergence des Hindous, venus de partout au pays pour se baigner dans le Gange ou pour y finir leurs jours. Y mourir et que son corps y soit brulé permet de mettre fin au cycle des réincarnations. Un but ultime. Les gens parcourent des kilomètres pour se retrouver dans cette ville sacrée, mythique. Pour voir et se faire voir par les dieux, dans des temples bondés, visités par des centaines de milliers de pèlerins chaque jour. Pour ce bref regard réciproque avec Shiva, on peut faire la queue au gros soleil, dans la foule réchauffée par les 39 degrés Celsius qui affligent la ville, chacun paré de ses plus beaux vêtements, accompagné de ses parents vieillissants, ses enfants ou ses meilleurs amis. 





Varanasi, c’est aussi se baigner dans une eau des plus polluées et répugnantes pour profiter de la puissance du Gange, attirer la bonne fortune, se sentir béni. C’est se brûler les pieds sur des sols de marbre qui cuisent au soleil pour aller accoter son front sur un mur délavé et abimé par les multiples passages. C’est réciter des mantras et faire des offrandes à des dieux dont les histoires sont si multiples qu’on s’y perd complètement. C’est tout ça, c’est que ça et beaucoup plus à la fois. C’est plus grand que nous, qu’eux tous rassemblés, c’est indescriptible. 













Et pour moi, Varanasi, qu’est-ce que c’est ? Je crois qu’il fallait que j’en sois sortie pour y réfléchir, pour y voir clair. Varanasi, c’est plein de choses. C’est la dernière étape de notre voyage. Celle en trio, avec Maman et Josée, sans le groupe. C’est une Inde comme on n’a pas vu ailleurs. C’est un passage essentiel dans ce voyage, une transition avant le retour au Québec, une nécessité pour me sentir prête à revenir. C’est un lieu pour me replonger dans le recueillement, dans mes demandes à l’univers. Les derniers temps, plus remplis en visites touristiques, m’ont fait me sentir un peu loin de l’intensité des mes émotions lors de l’Arti à Rishikesh, ou lorsque j’ai laissé aller un autre gros morceau de mon histoire dans un petit bateau de feuilles rempli de fleurs sur un bras du Gange. Varanasi, me rappelle ces moments vibrants du début de mon voyage. Refait émerger mon besoin de déposer une autre chandelle entourée de fleurs sur ce Gange sacré. Mon besoin de relancer l’univers avec mes grandes demandes! Et, cette étape fait aussi place à une tonne de douces pensées pour mes amies. Celles qui m’ont demandé de faire une prière pour elles dans ce lieu sacré et celles qui ne l’ont pas demandé, mais pour qui c’était naturel de le faire. J’ai eu envie que cette impression de grande connexion rayonne sur mon entourage, alors sachez, vous, les personnes magnifiques qui m’entourez, que vous avez été considérées, vues et peut-être même entendues, à travers ma volonté de prendre soin de vous, à Varanasi. 















Diversité.




Les rencontres avec les rites et les cultures variées se sont poursuivies. Je me suis trouvé plongée dans la culture tibétaine. Tout d’abord, auprès des Tibétains de la religion Bön, installés dans un monastère d’une beauté éblouissante. Lieu haut en couleur, nous y étions d’ailleurs lors de la fête de Holy, la fête des couleurs. Bien que ce soit une fête Hindoue, nous en avons fait une version multiculturelle avec des Tibétains du monastère de Menri. Un moment fort joyeux, qui a fait ressortir le coeur d’enfant de plusieurs. 





Mais avant cela, nous avons eu l’honneur de rencontrer le grand maître Bön. Ce maître, considéré comme un égal au Dalaï Lama, nous a reçu pour une bénédiction et une petite période de questions, lui permettant de nous partager ses enseignements. Ils sont simples, mais fondamentaux: lâcher notre égo, ouvrir notre coeur, aider ceux qui en ont besoin. Pour faire la paix dans le monde, il faut débuter par faire la paix en chacun de nous et autour de nous. Tout ça, rien que ça! 



Nous avons aussi visité le Monastère du Dalai Lama, mais malheureusement sans le voir. C’est un endroit très sobre, mais qui laisse imaginer la ferveur qui peut s’emparer de l’endroit en sa présence. Ce qui m’a particulièrement touché, à McLoad Ganj (Dharamsala) c’est la présence des montagnes. Toujours ce sentiment de petitesse, d’humilité face à l’immensité, au sein de l’immensité. Et cet appel à aller à leur rencontre. Promesse intérieure faite de fouler des sentiers himalayens, une prochaine fois! 




















Amritsar et le temple d’or. Un endroit hors du commun. C’est un peu comme de se retrouver dans un méga festival… Disons, la plus grosse soirée du FEQ, mais pendant toute la journée, à tous les jours, et sans spectacle. Juste un temple (magnifique tout de même), entouré d’eau (de nectar, selon l’histoire!) et autour duquel les gens déambulent en parcourant un grand carré. Ils viennent d’ici ou d’ailleurs pour s’y recueillir. 
Dans la religion Sikh, un élément primordial et fondateur est de donner sans attendre en retour. Ainsi, il s’organise autour de ce temple un ballet hallucinant… Permettant d’accueillir et de nourrir de 100 000 à 200 000 personnes chaque jour. Les gens viennent donner de leur temps pour toutes les tâches nécessaires. Tout le monde est bénévole. Il y a des gens à n’en plus finir qui mangent, qui préparent la nourriture, qui lavent la vaisselle, qui servent… Dans une cacophonie déstabilisante, cette foule danse avec aisance et tout fonctionne. Les chapatis sont préparés, le dhal cuit, le riz est parfumé et les dévots sont servis. Encore cette impression de chaos organisé! 








Puis-je vraiment passer sous silence le Taj Mahal? Mausolée de la démesure d’une beauté majestueuse. 20 000 travailleurs, pendant 17 ans ont créé ce chef d’œuvre, ultime geste d’amour d’un empereur éploré. Avec, sans surprise, une trame de fond de trahison familiale et de guerre. Il me semble qu’il y a toujours une part d’ombre et une part de lumière derrière les grandes oeuvres.