3 mots. 3 raisons d'écrire. 3 mots qui peuvent vivre seuls ou reliés. 3 mots séparés, parce que je ne peux choisir une formulation. Et parce que de cette façon, pas de restrictions, les fenêtres sont grandes ouvertes!

mardi 22 février 2011


Destination, Festival de l'éléphant, Paklay.
La fin de semaine dernière, j'ai participé au Festival de l'éléphant, organisé par ElefantAsia. Une cinquantaine d'éléphants étaient rassemblés pour l'occasion. Une parade le matin avec les éléphants dans leurs plus beaux atours et quelques chars allégoriques et personnages fabriqués par les laotiens de la région, des démonstrations de force par les éléphants (tirer d'énormes troncs d'arbres), le bain des éléphants dans la rivière et l'élection de l'éléphant de l'année étaient les principales activités de la fin de semaine. Tout cela se faisait dans une ambiance de festival typiquement laotien: marché thaïlandais (vêtements, bijoux, chaussures, jouets et toutes autres «bébelles» auxquelles vous pouvez penser); échoppes de nourriture un peu partout; Beer Lao à profusion; jeux d'adresses (fléchettes, fusil à pression, etc) et de hasard; musique au moins 100 fois trop forte dans les stands des commanditaires qui veulent ainsi attirer l'attention sur eux (au détriment du spectacle qui a lieu sur le même terrain); feux d'artifices, et beaucoup de monde!

Le festival, organisé par ÉléfantAsia s'est très bien déroulé. Cette association à but non lucratif oeuvre au Laos pour la sauvegarde de l'éléphant d'Asie. Le Laos était autrefois surnommé «le pays du million d'éléphants», ce qui est loin d'être toujours le cas, ne comptant maintenant qu'environ 1000 éléphants sauvages et 500 domestiques. Cette espèce est donc à risque de disparaître du Laos, et de l'Asie du Sud-Est. (Pour en savoir plus: http://www.elefantasia.org). ElefantAsia, parmi ses projets, a créé une unité vétérinaire mobile pour les éléphants de partout au Laos. Ils offrent aussi des formations de premiers soins aux cornacs accompagné
d'une trousse appropriée. Par le festival annuel, ElefantAsia souhaite, outre de sensibiliser le public à l'extinction de l'espèce, redorer le métier de cornac. Par ce que j'ai pu en connaître jusqu'à maintenant, cette association me semble être un bel exemple de vision à long terme dans l'intérêt de la communauté locale. Chapeau!

ElefantAsia étant géré principalement par des étrangers, ce sont donc des français qui ont coordonné l'organisation du festival. Ils espèrent bien que le festival puisse être repris par les cornacs eux-mêmes avec l'aide des districts de la région de Sayaboury, où se tient le festival chaque année. Toutefois, comme cela arrive souvent, le transfert ne se fait pas si facilement. ElefantAsia voudrait bien, en un premier temps n'organiser que le festival lui-même, et laisser la gestion de la sécurité, de l'hébergement et autres aspects pratiques au district qui reçoit le festival, mais dans le concret, ça ne se réalise pas encore. Ceux qui ont déjà participé à la mise en place d'un projet ou d'un évènement récurrent dans un pays en voie de développement ont pour la plupart déjà vécu cela... Sans l'appuie des districts, les cornacs ne parviendraient pas à organiser le festival. Ce sera donc, selon moi, un travail de longue haleine! J'ai entendu qu'il y avait une étrangère en poste dans cette région du Laos et qui aurait, entre autres, comme mandat de former les administrateurs pour qu'ils puissent efficacement prendre en charge ce type d'évènement. Ce pourrait être une bonne aide, si cela est bien fait!
Ce qui m'a le plus marqué durant ce week-end est le lien entre les cornacs et leur éléphants. Les cornacs sont à la fois le maître, le guide et le soigneur de leur éléphant. Les cornacs le deviennent de génération en génération. On sait qu'au Laos, les éléphants sont domestiqués depuis environ 4000 ans, cela fait donc plusieurs générations de tradition orale sur le métier de cornac. Souvent, un cornac sera le cornac d'un seul éléphant dans sa vie, et il le connaîtra enfant. Ils apprendront à se connaître pendant plusieurs années et il fera lui-même l'entraînement de son éléphant, guidé par des cornacs plus expérimentés. L'éléphant a une durée et un rythme de vie et de croissance très semblable à celui de l'humain, ce qui semble augmenter le lien d'attachement entre l'homme et l'animal. Loin de moi l'idée de vous donner un cours sur les cornacs, mais je voulais vous en parler un peu car j'ai réellement été impressionnée par eux. Les yeux de fierté qu'avait les cornacs, juchés sur le cou de leurs énormes compagnons. La connexion entre eux et leurs éléphants. Les attentions et la compréhension de
chaque signaux pour répondre à leurs besoins. D'autant plus que les éléphants peuvent comprendre 40-50 mots; les cornacs peuvent donc vraiment «parler» à leur animal. Je trouvais que le lien entre les cornacs et leurs éléphants était si fort, qu'il était visible, presque tangible! C'était très beau à voir!

lundi 21 février 2011

Sourire



Sourire. Les Cambodgiens en pyjama!
Quelle ne fût pas notre surprise de découvrir que plusieurs Khmers portent des pyjamas comme vêtement de jour, en toutes circonstances et à tous âges!

mercredi 9 février 2011

Destination


Destination, l'autre bord du Mékong!
J'arrive tout juste d'une belle et longue journée à vélo dans les routes poussiéreuses de l'autre rive du Mékong. C'est un ami, employé du Dyen Sabai, qui vient d'un tout petit village de ce côté qui m'a servie de guide tout au long de cette randonnée. D'abord, il faut savoir que Kamxay, mon ami-guide, est un lao qui parle très bien anglais et qui a une belle curiosité. Il s'intéresse aux autres cultures et souhaite partager la sienne. D'emblée, ça annonce une belle journée!

La route est magnifique; petit chemin de terre au creux des montagnes très peu fréquenté. Nous croisons quelques mobylettes et quelques tak-tak (sorte de tracteur) et c'est tout. Nous traversons quelques villages et nous arrêtons pour manger dans l'un d'eux. Les enfants curieux passent devant nous pour voir la «falang». Après le traditionnel repas de riz gluant et de gloire du matin et cressons cuits dans l'ail et la sauce soya, nous continuant notre route dans la chaleur et la poussière. Mon guide,
qui travaille maintenant dans un restaurant et fait peu de vélo, trouve que je vais trop vite et me fait ralentir souvent. Nous atteignons un autre village et nous nous posons pour près d'une heure sur la galerie de l'école primaire. C'est là que je prends conscience de plusieurs choses choquantes...
D'abord, à notre arrivée les enfants sont en récréation; ils viennent d'arriver à l'école. Le matin c'était les plus vieux qui avaient cours. Pendant près d'une heure, ils viennent nous parler, prendre des photos avec nous et nous les regardons jouer avec tout et rien; se rouler dans l'herbe, chanter des chansons, faire des jeux de mains, courir, grimper dans les arbres...

L'enseignante fini par sonner la cloche; la cloche est en fait une jante de roue de moto sur laquelle on cogne avec un morceau de bois dur. Les enfants se mettent en rang: 4 lignes, garçons et filles séparés, en ordre de grandeur du plus petit
au plus grand. Ils doivent avoir entre 3 et 9 ans. L'enseignante parvient presque à obtenir le silence. Tous entrent en classe et une fois assis,
chantent une chanson nationale à propos de l'école. L'enseignante leur donne ensuite le choix entre le cours de Lao ou le cours de mathématiques. Ils choisissent le cours de Lao.
Elle va donc chercher, lentement, très lentement, le manuel du cours dans l'armoire sous clé au fond de la classe. Les quelques élèves qui possèdent le manuel le sortent aussi, ils sont moins du quart de la classe. Pendant tout ce temps, et pour le reste du cours, les enfants parlent à voix haute, se lèvent, entrent et sortent de la classe à leur guise.
L'enseignante commence enfin son cours, une bonne quinzaine de minutes après l'entrée en classe. Le mode d'apprentissage me parait assez archaïque: l'enseignante lit à haute voix une phrase que les élèves (ou du moins la plupart d'entre eux) répètent à voix haute, et ainsi se suivent les phrases. Sachant que seulement quelques-uns d'entre eux possèdent le manuel, je doute fort de la capacité des enfants à apprendre ainsi à lire... Après quelques minutes seulement d'enseignement, une vieille dame entre dans la classe un bébé en pleurs dans les bras et le donne à l'enseignante qui sort avec son bébé, peut-être pour l'allaiter.

Nous quittons alors l'école une quinzaine de minutes pour aller chercher des bouteilles d'eau au village. À notre retour, les enfants sont en train de quitter l'école pour rentrer chez eux et l'enseignante prend soin de son bébé. Si on fait les comptes, les enfants ont bénéficié de très peu de temps d'enseignement (et de quelle qualité) dans leur journée....

Ouf! Je réalise la pauvreté de ces gens, la pauvreté de leur éducation.... et tout ça, à une vingtaines de kilomètres de Luang Prabang, où, malgré leur piètre qualité, on retrouve tout de même des collèges et une université... Ça éveille en moi un fort sentiment de volonté à faire quelque chose pour eux... et une grande impuissance face à la situation. Donner du matériel serait une option, mais sans un enseignant compétent à quoi cela servirait-il? Alors que faire? Maîtriser parfaitement le laosien et devenir enseignante?



Nous reprenons la route, en direction du village de Kamxay. Je ne suis pas au bout de mes chocs culturels pour aujourd'hui encore! Le village de Kamxay, comme il me l'avait dit, est très très petit. Une vingtaine de maison, tout au plus. Les gens y vivent principalement, si ce n'est exclusivement, de la culture du riz. Il n'y a pas d'école au village, ce qui en fait est peut-être un bon point pour eux, car ils doivent aller dans un village plus gros, qui a des chances d'offrir une meilleure éducation que ce qu'ils auraient. La pauvreté apparente du village, dans son contexte environnemental magnifique soit dit en passant, est certes impressionnante, mais je m'y attendais et n'en suit donc pas choquée. Non, en fait, le choc que j'ai, est de voir le choc des cultures entre Kamxay et sa famille.

Kamxay étudie l'anglais à Luang Prabang depuis environ un an et 2 mois. Pendant un an, il faisait la route (une dizaine de minutes à vélo) de son village au ferry qui lui permet de traverser le Mékong pour arriver à Luang Prabang, tous les jours pour aller à l'école. Pendant cette période, il continuait de travailler dans des champs de riz avec sa famille et à cueillir toutes sortes de choses dans la forêt pour les vendre en ville. Depuis deux mois, il vit à Luang Prabang, louant une
chambre dans un dortoir, poursuivant ses études d'anglais avec brio et travaillant au restaurant 6 jours par semaines. Il reçoit aussi de l'argent de quelques sponsors pour payer ses études. Chaque semaine, il vient voir ses parents qui se font vieux (son père approche les 70 ans et ne peut plus travailler) et leur apporte de l'argent pour qu'ils puissent survivre. Il a bien deux soeurs, mais l'une, qui vit dans le même village, a déjà 5 enfants et ne peux donc pas soutenir financièrement ses parents, et l'autre, plus jeune, qui vit à Luang Prabang, ne fait pas suffisamment d'argent pour les aider.

Nous arrivons donc chez ses parents, qui tuent un poulet pour l'occasion, sachant que leur fils
apprécie beaucoup cela. Pendant que le beau-frère de Kamxay cuisine une excellente soupe avec le poulet fraîchement tué, Kamxay sort son diplôme de sa première année d'anglais réussie ainsi qu'un article avec sa photo, servant à trouver de nouveaux sponsors pour les étudiants. Il est clairement fier de sa note «A- Excellent». Il souhaite remettre les papiers plastifiés à ses parents, car il a peur de les perdre au dortoir. C'est alors que que je réalise, en voyant son père avec le diplôme à l'envers dans ses mains, qu'ils n'y comprennent rien personne... Ils ne savent pas lire anglais, et même si Kamxay leur explique de quoi il s'agit, tout ça est tellement loin de leur propre réalité, que ça reste très abstrait pour eux. Il se sent de toute évidence incompris par eux, et m'explique que chaque fois qu'il a voulu discuter d'un sujet de ce type avec un membre de sa famille, on a rapidement changé de sujet pour lui raconter les «potins» du village. Il m'assure que ses parents sont fiers de lui, malgré tout. Il m'explique aussi que c'est une évidence pour tout le monde que si ses parents avaient possédé une terre à eux pour cultiver le riz, il ne serait jamais allé à Luang Prabang apprendre l'anglais et chercher du travail. Mais maintenant, il est clair qu'un grand fossé, bien creusé par l'incompréhension, le sépare de sa famille, comme s'il venait d'un autre monde...

Maintenant, Kamxay tente de se projeter dans l'avenir. Il s'ouvre sur le monde et souhaite découvrir d'autres cultures. Il rêve de pouvoir aller faire des études universitaires dans un autre pays, de préférence occidental, mais ne voit pas comment cela pourrait être possible. Il est conscient que le niveau d'éducation serait meilleur que dans son propre pays, où le régime communisme ne souhaite pas avoir une population trop éduquée qui serait en mesure de faire changer les choses... Et il souhaiterait, après ses études se trouver une emploi bien payant, même si, comme il le dit si bien, l'argent de rend pas heureux. Et on le croit lorsque cela vient du garçon le plus souriant du coin!

Après un bon repas, nous quittons son village pour traverser un champ de riz, sous la lumière de fin de journée, et atteindre le Mékong juste à temps pour voir le coucher de soleil descendre en aval de la rivière, derrière les montagnes. C'est beau le Laos, c'est tellement beau!!!